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19 septembre 2007

La fabrique du génie

« Le Bac ne vaut plus rien », « on n’apprend plus rien à l’école », « le niveau ne fait que baisser ». C’est autant de « constats » largement répandus dans l’opinion publique et relayés par Jean-Paul Brighelli dans ses ouvrages et ses nombreuses tribunes dans la presse. 

Qui énonce ces thèses qui séduisent tant le public ? Des enseignants soixante-huitards, des dinosaures consternés par la jeunesse, etc. Et tout le monde y va de son expérience personnelle : « de mon temps les examens étaient plus durs », « tu fais ça au lycée ? Nous on le faisait au collège », « Untel est en sixième et est incapable d’écrire correctement… ».

Inutile de préciser la haute valeur de ces jugements individuels, la base même du raisonnement scientifique bien sûr… 

Alors ? Une évidence, ce délitement de l’Education Nationale française ?

Pour répondre, regardons qui sont les tenants de l’anti-thèse : ceux qui disent que tout ne va pas si mal dans l’Ecole française. Il s’agit de statisticiens et d’économistes. Des gens qui ne se contentent pas de colporter des idées reçues, mais qui étudient le problème, qui comparent avec les systèmes antérieurs et étrangers, etc. Je cite, dans ce billet, Eric Maurin, économiste et statisticien, auteur de la Nouvelle Question scolaire publié au Seuil.

Pour commencer, parlons du niveau général des élèves de nos jours : il ne cesse d’augmenter, les élèves sont de moins en moins « idiots ». Les tests de QI montrent une augmentation de celui-ci par rapport aux générations précédentes, et ces résultats sont confirmés par les tests effectués, autrefois, à l’armée par les appelés et, aujourd’hui, lors des JAPD (Journée d’appel et de préparation à la Défense) accomplis par tous les français entre 16 et 18 ans. En effet, le niveau augmente chaque année et l’illettrisme dans la population recule tout autant. Ce constat ne se limite pas qu’à la France.

Le seul bémol se situe en orthographe dont la maîtrise ne s’améliore pas, et, n’en déplaise aux détracteurs de la méthode d’apprentissage globale de la lecture, ce bémol n’est pas du à cette méthode. En effet, les études montrent qu’elle n’a jamais été appliquée réellement, les enseignants préférant un mélange entre méthode globale et syllabique. Toujours en ce basant sur d’objectives statistiques, la cause de ces difficultés en orthographe est corrélée à un milieu social défavorisé. Les 15% des élèves ayant des difficultés en lecture ou en orthographe en entrant en 6e correspondent, plus ou moins, au 15% d’élève ayant un niveau social faible.

Ainsi, on parle facilement de ces 15% restant, pourtant minoritaires et dont la proportion n’a pas augmenté depuis longtemps, en accusant l’école de leur échec alors que, de base, avant l’entrée à l’école, ce sont déjà des enfants en difficulté. Tout en sachant qu’au final, aujourd’hui tout le monde sait lire, alors qu’autrefois, les difficultés de base se pérennisaient plus facilement. Et pour ceux qui pensent que le collège n’est pas destiné à tout le monde, rappelons leur que, chaque année, passer au collège, augmente de 10% le futur salaire du collégien. Voilà pourquoi maintenir un collège unique est indispensable.

80% de réussite au bac. Cela signifie-t-il que le bac n’a plus de valeur ? que le bac ne sert à rien ? 60% d’une classe d’âge obtient le baccalauréat contre 20% il y a trente ans. Les 40% qui ont bénéficié de cette augmentation du pourcentage de réussite et qui ont donc pu accéder à l’Enseignement Supérieur, ont acquis un niveau de vie que jamais il n’aurait eu sans le bac. Et quand on voit qu’il est indispensable d’avoir le bac au minimum pour la majorité des emplois, on a quand même du mal à se dire qu’il ne sert à rien !

De plus, l’augmentation de 300 000 à 500 000 bacheliers entre 1987 et 1995 décidé par Jean-Pierre Chevènement a permis une très importante augmentation de l’insertion professionnelle et le développement des filières universitaires courtes professionnalisantes (BTS, IUT…).

Pour lutter contre l’échec massif à l’Université (160 000 personnes quittent l’Université sans diplôme), on avance bien souvent la possibilité de mettre en place une sélection à l’entrée à l’Université. Mais cette sélection existe, c’est le Baccalauréat, premier grade universitaire, qui permet la poursuite d’études supérieures. Il serait une aberration de créer un deuxième examen pour l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Le véritable problème est l’orientation. Les Bac généraux, par manque d’information ou par facilité s’engagent et remplissent de plus en plus les filières professionnalisantes courtes comme les BTS et IUT. Ainsi ils ne laissent d’autre choix aux « Bac Pro » que de s’engouffrer sans aucune information préalable dans des filières longues et généralistes auxquelles leur bac ne les prépare pas, et dans lesquelles ils échouent.

La solution n’est pas de limiter l’accès à l’enseignement supérieur dont la démocratisation augmente considérablement les niveaux de vie et l’insertion professionnelle, mais elle serait plutôt, selon moi, un cloisonnement des filières supérieures en fonction des type de bac. Chaque bac déboucherait sur des filières auxquelles le bac prépare. Ceci éviterait par exemple l’échec massif des bacheliers littéraire en faculté de médecine ou de sciences dures en général. A l’Université, des semestres d’orientation et des cours de remise à niveau devraient au moins être généralisés en réponse à l’actuelle possibilité de se lancer dans n’importe quelle filière avec n’importe quel bac.

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Commentaires
E
Peut-être êtes vous au courant de la polémique autour des nouveaux programmes de l'école primaire... <br /> Je suis heureuse de trouver quelqu'un en dehors du système éducatif qui fasse la part des choses et distingue les racontards des sieurs Brighelli et consort et les statistiques objectives de l'autre.<br /> Si vous pouviez vous émouvoir pour ce qui attend les enfants de demain... Voir les dossiers du Café pédagogique ou http://a.camenisch.free.fr/programmes_2008.htm<br /> <br /> Une enseignante de primaire désespérée et atterrée par les programmes 2008
F
je cherche une emplois
T
Le sujet de l'instruction doit être abordé, afin que nous puissions rendre compte des disfontionnements des systèmes éducatifs que nous connaissons et de nous impliquer dans leur amélioration. Nous nous accordons là-dessus. Cependant, nous divergeons quant à l'évolution de la qualité de l'enseignement et de la façon de sanctionner l'acquisition des connaissances par le Baccalauréat.<br /> <br /> D'abord, il est certes évident que l'accès à l'instruction s'est généralisé de façon remarquable. Il suffit de comparer le nombre de candidats inscrits au Baccalauréat aujourd'hui et il y a 50 ou 70 ans. On peut aussi comparer la durée moyenne des études entre aujourd'hui et les mêmes époques. Nous approchons d'une grande victoire : une grande majorité des gens (en fait presque tous) accèdent à des études quelles qu'elles soient. Il apparaît cependant clairement que les exigences évoluent à la baisse depuis quelques années. Avez-vous comparé un sujet de maths du bac C de 1980 et le sujet de maths du bac S de 2005 ? Le premier demande d'effectuer des calculs avec des notions que le second ne demande même pas de connaître. Les Marocains qui passent le bac chez eux rient au nez des français en comparant leurs sujets avec les nôtres. Les leurs sont du niveau de nos Classes Préparatoires, pourtant inspirés d'anciens bacs français. De plus, aujourd'hui, combien d'élèves bacheliers sont capables de citer les 100 départements français ou tous les fleuves d'Europe ? Vain exercice, me dira-t-on, mais pratiqué avec virtuosité par les candidats au certificats d'étude, alors âgés de 13 ans il y a une cinquantaine d'année. Une preuve que la rigueur des connaissances requise n'est plus la même. Mais loin de moi l'envie de faire de la nostalgie : nous avons aujourd'hui de magnifiques instruments pour instruire : des ordinateurs pour visualiser des phénomènes physiques, pour travailler les langues. Chaque lycée est normalement muni de salles de travaux pratiques, où les élèves réalisent des expériences pour visualiser et mieux comprendre des phénomènes physiques, chimiques, biologiques, le fonctionnement d'objets techniques... Cette modernisation récente, qui ne peut aller que dans le sens du progrès en terme de qualité des équipements mis à la disposition des élèves, offre des perspectives merveilleuses pour l'enseignement des langues et des sciences de la nature et de l'industrie. Cependant, c'est clairement au niveau de l'orthographe et de la grammaire que le bâts blesse. Les fautes de négligence puis les fautes volontaires se multiplient et font une apparition massive dans l'expression orale quotidienne, dans les cahiers de cours et bien entendu sûr Internet. La rigueur, la précision et la solidité de nos connaissances en terme d'orthographe et de grammaire souffrent de l'énorme pression de la feinéantise populaire. Mais n'accusons pas que la foule, car son comportement dépend immédiatement de l'instruction qu'elle reçoit. Une plus sévère exigence quant à l'enseignement de la lecture et des règles élémentaire d'orthographe et de grammaire doit être mise en oeuvre et c'est ce que Brighelli propose en mettant fin à l'usage de la méthode globale et de la méthode semi-globale au profit d'une méthode plus élémentaire comme la méthode symabique. Au passage, Brighelli est la terreur des soixante-huitards et récuse les réformes de l'enseignement mises en place lors de la Révolution Introuvable et par la suite...<br /> <br /> Ensuite, venons-en au Baccalauréat. "Il ne vaut plus rien", dit-on. Mais c'est faux, puisqu'il sanctionne l'entrée dans l'enseignement supérieur et un bon nombre de formations professionnalisantes. Dire que "le niveau du bac est minable" est plus adpaté, comme nous l'avons montré ci-dessus. En effet, il faut absolument défendre un bac général, national et lui restituer tout son rôle de sélection. Il faut maintenir son existence pour permettre une égalité de tous les élèves quant à leur entrée possible dans l'enseignement supérieur, afin que les plus méritants, où qu'ils vivent et quelle que soit leur origine sociale, soient les mieux récompensés. C'est aussi pour cela qu'il doit être national (c'est à dire comporter des sujets uniques et une notation homogène pour le pays entier) et général pour contrôler les futurs étudiants sur un champ large de connaissances, adaptées au besoin qu'ils en auront : Maîtrise de deux langues étrangères, connaissances en littérature suffisantes, capacité de formuler des raisonnements philosophiques ou de faire fonctionner leur esprit critique, sans parler des connaissances techniques et scientifiques absolument indispensables dans le monde actuel... Le bac ne doit être donné qu'à ceux qui se sont solidement et durablement instruits pour l'avoir, afin que ceux-ci utilisent leurs connaissances pour faire évoluer la société en faveur des droits, du confort des hommes et de leur liberté, et que les autres se remettent au travail pour accéder à ce niveau d'instruction. C'est la raison pour laquelle le baccalauréat, en plus d'être national et général, doit être difficile et sélectif. Il faut revoir à la très forte hausse le niveau des sujets proposés, augmenter le volume de chaque épreuve et la rigueur de la correction. Il y aura moins d'admis, mais les admis seront globalement meilleurs.<br /> <br /> Bien évidemment, si l'on parle d'augmenter la sélectivité du bac, il est indispensable de prendre en compte la nécessité de faire évoluer les programmes, le volume et l'intensité des enseignements dans cette optique. On peut placer dans cette même optique la défense des formations en deux ans, qui offrent des résultats satisfaisants malgré le passage forcé de la Licence de 2 à 3 ans conforément au processus de Bologne qui établit les principes du système LMD, et qui ne compte donc plus parmi les formations en deux ans...<br /> <br /> En cela, il est nécessaire de porter une attention toute particulière au message de Jean Paul Brighelli et de commencer par augmenter le niveau exigé à l'école élémentaire notamment à propos de la lecture et de l'écriture.<br /> <br /> Thom
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